top of page

Lettres avec ma peur

Chère Laure


Que je suis contente de pouvoir t’écrire ! Parce que tu comprends, je t’envoie plein de signaux corporels, mais c’est bien aussi de pouvoir expliquer.


Donc, je me présente, je suis ta-peur-de-réussir. Mon rôle, c’est de saboter toutes tes tentatives de réussite professionnelle, parce qu’il est hors de question que tu finisses par t’éclater. Pour une raison simple, si tu t’éclates, tu n’auras plus peur de réussir, et moi, ben… je disparaîtrai ! Et ça c’est encore plus hors de question. Je t’accompagne depuis si longtemps, pourquoi s’arrêter maintenant ?


Qu’est-ce que tu deviendrais sans moi ? Une méga star de la généalogie, qui fait des conférences, est invitée à la télé, à la radio, sur internet, qui écrit des best sellers. OK. Ça, ça peut paraître attirant, mais tu oublies qu’il y a le revers de la médaille du succès. Les gens qui t’aiment (te supportent) aujourd’hui vont partir, parce que tu seras devenue inaccessible, et surtout parce que tu leur rappelleras leur propre médiocrité. Ton succès leur montrera que quand on croit à ses rêves, ils se réalisent, alors qu’ils sont incapables de se bouger le cul, paralysés par mes sœurs jumelles. Ils ne supporteront pas, et te quitteront. Et tu finiras seule, entourée par des profiteurs, à toujours te demander si on t’aime pour qui tu es ou pour ton argent ou tes relations. Je ne peux pas laisser faire ça. Et puis, si tu réussis maintenant, ça voudra dire que tu as perdu 45 ans de ta vie, que dès le départ tu avais des ressources merveilleuses et que tu les as gâchées. Quelle lose !! Autant continuer à végéter, perdu pour perdu….


Moi je t’aime, tu le sais. Je prendrai soin de toi tout ta vie, jusqu’à ta mort, et je te garantis que tout restera comme aujourd’hui, tranquille et sans risque. Bisous !

Ta-peur-de-réussir.


Chère Ma-peur-de-réussir


Moi aussi je suis contente de te lire, et de pouvoir te répondre. C’est vrai qu’on est ensemble depuis si longtemps… J’oublie même souvent que tu es là, je ne réalise pas toujours à quel point tu m’empêches d’avancer, tellement c’est habituel de me dire « Non, ne fais pas ça, ça pourrait marcher… »


Le problème, vois-tu, c’est que quelque chose d’irrépressible me pousse à aller de l’avant et à vouloir réussir. Juste pour préciser d’ailleurs, réussir, pour moi, maintenant, ce n’est pas être une star. J’aimerais bien être entendue, c’est sûr, mais surtout, je voudrais que les gens sachent qu’ils sont beaux, grands et dignes d’amour, et je voudrais qu’ils puissent s’éclater eux aussi et donner le meilleur d’eux-mêmes au monde. Et je crois que la généalogie peut y contribuer. En allant fouiller un peu dans le passé, de notre famille ou de notre maison, on met au jour de vieilles énergies stagnantes, on donne la parole à des personnes qui ne l’ont peut-être pas eu de leur vivant, et on les fait sortir de l’oubli pour toujours. C’est un devoir de mémoire, non pas comme un pensum à rendre pour demain, mais comme un hommage à ceux qui font de nous ce que nous sommes aujourd’hui (oui, même si on trouve ça pourri pour le moment).


Je n’ai pas encore trouvé le bon angle pour vendre ça de manière efficace, mais j’ai planté quelques graines à mon rythme, en tenant compte de ta présence (et oui, tu vois, je fais attention à toi). Autant que tu le saches, ces graines vont pousser, car c’est leur destin. Ce qui serait bien, c’est que je les arrose régulièrement, et que j’en plante d’autres. Ce qui serait bien, c’est que j’achète un grand champ, et des tonnes de graines.


Seulement pour ça, il faut qu’on fasse la paix toi et moi. Alors, je te propose un truc. Tu peux rester avec moi, tu peux même parler, et je t’écouterai. Point. C’est tout. Je ne te répondrai pas, et si tu parles trop fort, je te dirai même « ta gueule ». Et je ferai quand même ce que j’ai décidé de faire, même si tu es là, même si tu parles sans arrêt, même si tu parles trop fort. Parce que ce que j’ai à dire et à faire est trop important.


Je te remercie de toute ton attention, qui m’a sûrement protégée de tout un tas de trucs horribles, mais maintenant, c’est moi qui commande. Non, ne fais pas la gueule, je t’autorise à rester, c’est cool non ? Allez, viens, on va vers le succès ! Bisous aussi.


Laure


bottom of page